Selon vous, quel rapport peut on établir entre le roman d'André Gide que vous venez de lire et son titre, Les Faux Monnayeurs?

La question ainsi que le thème de l’argent sont omniprésents dans l’oeuvre de Gide et cela dès la lecture du titre.Son choix, en lien avec son goût pour les faits divers, ancre les personnages dans leur réelle dualité. Cette première intention de l’écrivain fait directement écho au personnage de Georges, le premier de la bande de Ghéridanisol et Strouvilhou à troquer une fausse pièce contre des cigarettes. On peut ainsi comprendre le titre dans son sens premier puisque le roman évoque bien une affaire criminelle. Il ne s’agit pourtant pas uniquement de fausses monnaies ,comme entendu dans l’intitulé de l’oeuvre. L'argent reste le lien principal entre les personnage et l’écriture du récit. Les questions financières semblent presque constituer le ressort de la création narrative. Ce sont un symbole des échanges qui se déroulent dans le roman. Certains échanges entre les personnages sont cependant plus emprunts de romanesque que d’un aspect financier. Le parcours d’un objet d’échange met d’ailleurs le lecteur en route sur la trame narrative et donc dans le roman.Gide donne une allure différente aux monnaies d’échange. Elles peuvent être une lettre, une valise, un journal. La monnaie se fait symbole des relations sociales et en devient son prétexte. L'auteur emprunte le principe de monnaie pour en expliquer tout le sens et faire de son roman une "oeuvre totale". L'argent est le nerf de la société et participe amplement aux faux semblants d'une bourgeoisie décadente. Cette décadence est exprimmée par Gide dès le début de l'oeuvre : il mêle son récit à des tonalités thêatrales "ça joue la larme", "c'est le moment de croire que j'entends des pas".La fausse monnaie est un moyen de désigner une société qui repose sur une fraude morale et sentimentale. Les termes financiers s’appliquent parfaitement à l’hypocrisie de la société dans laquelle tous cherchent à paraitre sans jamais être. L’argent conditionne les existences et établit l’économie du récit. Edouard, porte plume d’André Gide, explique le titre donné à son roman. Il tend à incriminer le genre romanesque qu'il métamorphose et dénonce ainsi que les faux littérateurs -les faussaires de la littérature- dont Passavant fait partie. Cette accusation est cohérente avec la première: si l’écrivain s'approprie "les idées en l'air", celles des autres, la société ne peut être que le reflet de sa malhonneteté intellectuelle. Le rôle de l'écrivain apparait ici comme fondateur et primordial. Le titre introduit le thème de la fausse monnaie et l’auteur ouvre son champ des possibles vers une compréhension plus métaphorique de l'interstice entre vrai et faux, réel et fabuleux.L'intitulé de l'oeuvre donne l’impulsion au récit qui repose sur un enchevêtrement du vrai et du faux. Gide dénonce les faux monnayeurs de l’esprit et du coeur qui ,dans une société bourgeoise fondée sur l’échange monétaire, ne font prévaloir que la valeur de l’argent. Avec le titre et l’idée de fausse monnaie qui en émane, l’auteur remet en cause l’idée que l’on se fait du vrai comme du faux. C’est par le balancement de ses deux valeurs ,opposées en apparence, que Gide intègre l’espoir d’une réalité idéale à son récit, d’un vrai platonicien.